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Le bruit anormal en copropriété: analyse de la jurisprudence récente

  • Qui peut agir pour faire cesser un bruit excessif en copropriété ?

Le copropriétaire victime peut agir directement par la voie judiciaire, en saisissant par exemple le juge des référés, contre l'auteur du bruit, soit sur le fondement du trouble anormal de voisinage, soit en se substituant au syndicat pour faire respecter le règlement de copropriété. Il doit au préalable prouver par tous moyens (constat d'huissier, attestations de témoins, relevés d'un expert...) les nuisances dont il est victime.

Le syndic doit agir au nom du syndicat pour faire respecter le règlement de copropriété, ou protéger les copropriétaires d'une source de nuisance sonore externe à la copropriété. A défaut, il engage la responsabilité du syndicat.

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice provoqué par un bruit anormal, un syndicat des copropriétaires est recevable à agir, en tant que personne morale, en indemnisation de troubles de jouissance que si ces troublent présentent, par leur importance et leur étendue, un caractère collectif, et ont été subis par l'ensemble des copropriétaires.

En revanche, si le trouble n'est pas collectif, seuls les copropriétaires concernés peuvent obtenir la réparation du préjudice. Ainsi, dès lors qu'il est avéré que les nuisances sonores occasionnées par un supermarché ne sont pas ressentis par l'ensemble des copropriétaires mais par certains d'entre eux seulement, la demande en justice du syndicat de copropriétaires en vue d'obtenir réparation des préjudices subis est irrecevable, ce dernier n'ayant pas qualité pour demander réparation des préjudices personnels des copropriétaires concernés.  Cour d'appel  Aix-en-Provence Chambre 4 B, 7 Décembre 2009 (Numéro JurisData : 2009-022607)

  • Dans quel délai faut-il agir pour faire cesser un bruit anormal ?

Si aux termes de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions personnelles nées de l'application de la loi entre un copropriétaire et le syndicat se prescrivent par dix ans, il y a lieu de retenir comme point de départ de ce délai le moment où le demandeur a pu connaître de façon effective la cause des nuisances qu'il subissait. Le délai de prescription a pour point de départ la date du changement quand l'action est  fondée sur le changement d'affectation en violation du règlement de copropriété.

  • Quand le bruit devient-il trouble anormal?

 Il n'y a pas de définition légale du trouble anormal de voisinage. Les juges apprécient donc au cas par cas, ce qui excède les inconvénients ordinaires d'une vie en communauté. Prenons quelques exemples dans la jurisprudence récente de cas de figure typiques de la vie en copropriété.

Les bruits de musique et de sons venant de la télévision, à un niveau élevé, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, de manière répétée pendant plusieurs mois, ne sont pas des bruits normaux de la vie quotidienne et, au surplus, contreviennent à l'article 9 du règlement de copropriété de l'immeuble. Ils constituent par leur importance et leur caractère répétitif des troubles anormaux de voisinage. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'article R. 1334-31 du code de la santé publique  qui définit a contrario les bruits anormaux de voisinage comme des bruits portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme par leur durée, leur répétition ou leur intensité, ne prévoit aucune norme. Ils ne sont pas davantage fondés à reprocher aux intimés de ne jamais avoir fait appel aux services de police pour constater une infraction. Quant à l'absence de plainte des nouveaux occupants après le départ des demandeurs, elle peut recevoir plusieurs explications et notamment le fait que ces bruits anormaux aient disparu. (Cour d'appel Angers Chambre 1, section A, 2 Juin 2009 (Numéro JurisData : 2009-008525)).

La Cour d'appel de PARIS Chambre 23, section B dans son arrêt du 22 Novembre 2007 (Numéro JurisData : 2007-350629) a considéré que ne constitue pas un trouble anormal de voisinage les bruits sur une courte période (bruits de pas, claquements de portes, conversations audibles, sonnerie d'interphone et de téléphone) sans preuve d'un caractère excessif soit dans leur fréquence, soit dans leur intensité, qui ne sont que la conséquence de la configuration même des lieux et du mode d'habitation collectif. L'état de santé du copropriétaire victime ne peut lui permettre d'exiger que les autres habitants de l'immeuble n'y vivent pas normalement et qu'il ne subisse pas en conséquence les inconvénients normaux du voisinage.

Le fait d'avoir remplacé la moquette posée à l'origine de la construction par du carrelage, ne constitue pas en soi une infraction au règlement de copropriété. Cependant, ce règlement impose aux copropriétaires de ne pas causer le moindre trouble de jouissance diurne et nocturne par le bruit. Or la résidence dans laquelle se trouvent les appartements est une construction réalisée en 1963 obéissant aux normes d'isolation de l'époque et il résulte du rapport d'expertise que le remplacement de la moquette par du carrelage dans l'appartement provoque dans celui situé en dessous, une augmentation du bruit de choc supérieure aux limites fixées par la réglementation en vigueur à l'époque de la construction et aussi de celle applicable lors de la mise en place du carrelage. Par conséquent, les nuisances sonores, réelles et excédant les inconvénients normaux du voisinage, justifient l'allocation de 7500 euros au titre de dommages-intérêts. (Cour d'appel Versailles Chambre 4 23 Novembre 2009 (Numéro JurisData : 2009-016470))

  • Les locataires et le bruit, en copropriété

Les locataires ont droit à la tranquillité au même titre que les copropriétaires, et doivent être protégés par leur bailleur, mais aussi directement par le syndicat.

En effet, les copropriétaires qui ont loué leur appartement sont tenus d'assurer une jouissance paisible à leurs locataires. Ils sont responsables à leur égard de l'inconfort et des nuisances acoustiques générées par les installations techniques de la piscine de la copropriété.

Pour sa part, le syndicat de copropriétaires est responsable de l'inaction du syndic qui n'a pas répondu aux réclamations alors que sa mission le lui commande. L'appel en garantie contre le syndicat formulée par le bailleur est ainsi recevable et fondé et le syndicat est condamné à relever et garantir les bailleurs des condamnations prononcées à leur encontre.   Le syndicat a le devoir d'assurer à tout occupant ayant un titre légitime d'occupation, fût-il gratuit ou tacite, une occupation et une jouissance paisibles. Il peut être condamné à des dommages et intérêts à l'égard de l'occupant s'il y manque. C'est ce que rappelle la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 9 Octobre 2009  (Numéro JurisData : 2009-022604).

La Cour d'appel de PARIS Chambre 23, section B dans un arrêt du 26 Juin 2008 (Numéro JurisData : 2008-366269) a par exemple jugé qu'il y a eu carence manifeste et fautive du syndicat et manquement à son obligation d'assurer une jouissance paisible des lieux à l'occupant des parties privatives, dès lors qu'il est établi que la ventilation mécanique contrôlé installée sans précaution, émet un bourdonnement continu, de jour comme de nuit, bruit tout à fait différent des bruits naturels de la rue et même de la circulation automobile, et beaucoup plus pénibles et difficiles à supporter.

Les locataires doivent aussi respecter le règlement de copropriété et ne pas occasionner de nuisances aux autres copropriétaires. A défaut, ils engagent même la responsabilité de leur bailleur. Sur le fondement du principe que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, le locataire doit réparer le préjudice subi par le copropriétaire voisin en raison des nuisances sonores dépassant le seuil de tolérance (chant, guitare et écoute de musique à des heures tardives sur des plages horaires diurnes importantes et à un niveau élevé).

Le copropriétaire bailleur et responsable des agissements de ses locataires, sera tenu in solidum avec ces derniers au paiement des dommages intérêts dus au copropriétaire victime des nuisance et ce en réparation de la violation du règlement de copropriété de l'immeuble prévoyant l'obligation de ne pas porter atteinte à la tranquillité des autres copropriétaires. Le copropriétaire bailleur sera garantie des toutes les condamnations mises à sa charge par ses locataires. Cour d'appel PARIS Pôle 4, chambre 2, 9 Septembre 2009 (Numéro JurisData : 2009-379044);

Il a été jugé que le syndicat des copropriétaires est recevable à agir contre l'occupant des parties privatives auteur des nuisances sur le fondement délictuel et contre le copropriétaire bailleur tenu par le règlement de copropriété. La pratique du culte dans les parties privatives entraînant de graves nuisances sonores (par des bruits de musique, de chats, de discours d'un prêcheur) dépassant les troubles normaux de voisinage, il y a lieu de faire droit à la demande du syndicat d'enjoindre au copropriétaire et au locataire du local de faire cesser toutes réception et célébration de culte dans les lieux. Cour d'appel PARIS Chambre 23, section B 29 Novembre 2007 (Numéro JurisData : 2007-349756).

  • Doit-on supporter le bruit des travaux réalisés par un copropriétaire?

Les copropriétaires qui réalisent des travaux doivent veiller à ce que les nuisances soient raisonnables, comme le précise l'article R. 1334-36 (Créé, D. n° 2006-1099, 31 août 2006, art. 1er, II) : Si le bruit  a pour origine un chantier de travaux publics ou privés, ou des travaux intéressant les bâtiments et leurs équipements soumis à une procédure de déclaration ou d'autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée par l'une des circonstances suivantes :

1° Le non-respect des conditions fixées par les autorités compétentes en ce qui concerne soit la réalisation des travaux, soit l'utilisation ou l'exploitation de matériels ou d'équipements ;

2° L'insuffisance de précautions appropriées pour limiter ce bruit ;

3° Un comportement anormalement bruyant.

La Cour d'appel de Paris a par exemple estimé que les nuisances sonores provoquées par la réalisation des travaux entrepris par des copropriétaires engendrent pour l'occupant des lieux situés juste au-dessous du siège des travaux, notamment faute de précautions suffisantes pour atténuer le bruit au sens de l'article R. 1334-36 du code de la santé publique , un trouble anormal de voisinage qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de faire cesser conformément aux dispositions de l'article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile. Cour d'appel, Paris Pôle 1, chambre 3, 16 Juin 2009 (Numéro JurisData : 2009-006873)