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Loi ELAN : quelles évolutions pour le contentieux de l'urbanisme ?

 

  • La délimitation de la recevabilité à agir.

Les personnes physiques : L’ancienne rédaction de l’article L. 600-1-2[1] encadrait l’intérêt à agir uniquement à l’encontre des permis de construire, de démolir ou d’aménager. Désormais, cette possibilité est également ouverte à destination des déclarations préalables.

Les associations : L’article 80 de la loi ELAN modifie les dispositions de l’article L. 600-1-1 posant une condition à l’exercice du recours diligenté par les associations à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, à savoir la fixation d’un délai d’un an à compter du dépôt de ses statuts. Pour les recours introduits avant le 1er janvier 2019, seule la preuve d’un dépôt de statut avant l’affichage de l’autorisation d’urbanisme était exigée. Il s’agit ici d’une limitation visant à évincer la possibilité de création d’une association dans l’unique but de contester la légalité de l’autorisation d’urbanisme délivrée.

 

  • L’encadrement du référé-suspension : la cristallisation des moyens.

La cristallisation des moyens est un mécanisme qui permet au juge de fixer une date au-delà de laquelle les moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués, et ainsi, cristalliser le débat.

La rédaction d’un nouvel alinéa dans l’article L. 600-3 a entrainé cette limitation dans le temps de la formation d’un référé-suspension, jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge en premier ressort.

En cas de rejet de la demande de suspension d’une décision au motif de l’absence de doute sérieux, le requérant devra confirmer le maintien de sa requête au fond dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le désistement sera présumé.

 

  • La limitation des effets de l’annulation des documents d’urbanisme

Avec l’objectif affiché de renforcer la sécurisation des autorisations d’urbanisme, le législateur a notamment crée un nouvel article L. 600-12-1, qui admet que l’annulation ou l’illégalité d’un document d’urbanisme n’ait plus d’incidence sur les autorisations délivrées antérieurement, lorsque son illégalité repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet. Ce raisonnement est repris dans les dispositions de l’article L. 442-14 lorsque le permis de construire tient lieu d’un permis d’aménager. Si l’annulation prononcée n’a pas de lien avec les règles d’urbanisme de la zone concernée, la cristallisation des droits à construire perdure.

Or, s’agissant des recours introduits avant le 1er janvier 2019, lorsque l’annulation totale ou partielle du PLU était prononcée, elle rendait immédiatement applicable le document d’urbanisme antérieur…

 

  • Le recours à l’annulation partielle ou au sursis à statuer

Si les faits de l’espèce le permettent, le législateur impose désormais au juge administratif de recourir à l’annulation partielle ou au sursis à statuer.

Ainsi, si le vice affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, il devra examiner systématiquement la possibilité d’une régularisation, alors qu’auparavant, les dispositions de l’article L. 600-5 imposait qu’il devait être saisi de conclusions en ce sens. Dès lors, il fixera un délai dans lequel le titulaire devra en demander la régularisation[2], même postérieurement à l’achèvement des travaux. En cas de refus de faire droit à la demande d’annulation partielle, le juge devra motiver son appréciation, tel que cela est précisé à l’article L. 600-5-1.

S’il estime que l’illégalité du vice est susceptible d’être régularisée, il devra inviter les parties à présenter leurs observations, puis sursoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe. Cette possibilité est également envisagée s’agissant de la déclaration préalable. Également, le refus de prononcer un sursis à statuer devra être motivé par le juge.

 

  • La limitation des recours à l’encontre des permis modificatifs.

Afin d’éviter la multiplication des instances et les recours en cascade, le législateur a souhaité délimiter le champ d’application des recours à l’encontre des permis modificatifs, à travers la création d’un article L.600-5-2, qui rend obligatoire la contestation d’une autorisation de régularisation dans le cadre de l’instance contre l’acte initial.

 

  • La facilitation de l’exercice de l’action en responsabilité contre les recours abusifs

Le législateur a procédé à une modification terminologique de l’article L. 600-7 dans l’objectif de faciliter les condamnations pécuniaires devant le juge administratif et l’allocation de dommages et intérêts en cas de recours abusifs.

La nouvelle rédaction de l’article précité reconnait désormais le recours abusif lorsque le recours pour excès de pouvoir est mis en œuvre dans des conditions « qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant » et lorsqu’il cause « un préjudice au bénéficiaire du permis ».

 

  • L’encadrement des transactions financières

A travers une modification des dispositions de l’article L. 600-8, l’obligation d’enregistrement fiscal des transactions monnayées est étendue aux protocoles conclus en amont de l’introduction d’un recours, et ce, dans le mois suivant sa signature, sans quoi, celle-ci pourra être considérée comme nulle.

L’idée de cet encadrement est de restreindre un peu plus le « marchandage » de leur désistement, en imposant une clarté et une transparence du cadre conventionnel.

 

  • L’extension de l’action en démolition par le préfet

Avant le 1er janvier 2019, en vertu des dispositions de l’article L 480-13, le Préfet ne pouvait solliciter le juge judiciaire en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire, au regard de deux conditions cumulatives : à savoir, d’une part, l’annulation pour excès de pouvoir du permis par le juge administratif, et, d’autre part, la situation de la construction dans l’une des zones visées dans l’article précité.

Or, depuis l’entrée en vigueur de l’article 80, ayant entrainé la modification des articles L. 480-13 et L. 600-6, le Préfet dispose de pouvoirs élargis en matière d’action en démolition, puisqu’il peut l’exercer sans limitation de zone.

 

Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), article 80.

 

 Loïc BALDIN, Docteur en droit public

Publié le 30 janvier 2019

 

 

[1] L’ensemble des articles cités dans cette note font référence au Code de l’urbanisme.

[2] Ce délai n’est pas impératif : Par un arrêt du 16 novembre 2018, la CAA de Bordeaux a estimé qu’un permis de construire modificatif délivré après le délai fixé par le tribunal, en vertu de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, peut régulariser le permis initial.