Vers l’extension du caractère justiciable des mesures adoptées par l’administration : De la qualification d’acte administratif, dépendent les possibilités et voies de recours.
Comment reconnaître un acte administratif ?
Un acte administratif n’est pas nécessairement l’acte adopté par une personne publique. En effet, les personnes publiques sont susceptibles d’adopter des actes de droit privé et les personnes privées peuvent adopter des actes administratifs (CE 1942 Montpeurt ; CE 1943 Bouguen).
Ainsi, les actes adoptés par la personne privée gérant un service public administratif dans l’exercice des prérogatives de puissance publique qui lui sont confiées sont des actes administratifs (CE 1961 Magnier). En revanche, les actes adoptés par une personne privée gérant un service public de nature administrative ne sont pas des actes administratifs lorsque la personne privée ne dispose pas de prérogatives de puissance publique ou, lorsqu’elle dispose de telles prérogatives mais que l’acte adopté est détachable de l’exercice de ces prérogatives (CE 1992 Textron).
Dans le cadre d’un service public industriel et commercial, étaient considérés comme des actes administratifs uniquement les actes rattachables à l’organisation du service (TC 1968 Epoux Barbier). Depuis la décision TC 11 janv. 2016, Comité d’établissement de l’unité clients et fournisseurs Île-de-France des sociétés ERDF et GRDF, sont également considérés comme des actes administratifs les décisions d’organisation du SPIC lui-même, et non plus seulement de l’organisation de la société gestionnaire du SPIC.
2 - Le caractère décisoire de l’acte permet de le qualifier d’administratif.
Est qualifié de décisoire, l’acte adopté unilatéralement par une autorité administrative qui modifie ou refuse de modifier les droits et obligations de son bénéficiaire, indépendamment de son consentement. Sous certaines réserves, ne revêtent en principe pas de caractère décisoire les actes préparatoires, les actes de gouvernement, lignes directrices et les circulaires.
Les mesures d’ordre intérieur ne sont pas justiciables en raison de leur « faible importance pratique » (Chapus). Toutefois, de plus en plus d’actes sont extraits de cette catégorie par le juge administratif : peuvent désormais être contestés les sanctions infligées aux élèves (CE 1992 Kherouaa), la mise à l’isolement d’un détenu (CE 1995 Marie), la mise aux arrêts d’un militaire (CE 1995 Hardouin).
Concernant les détenus, le juge administratif examine la gravité de la sanction, sa nature restrictive ou privative de liberté (CE 1995 Marie) et si elle a pour effet d’affecter les conditions de la détention (CE 2007 Boussouar) afin de déterminer si la sanction doit être ou non considérée comme une mesure d’ordre intérieur. Dans un arrêt CE 2014 Garde des sceaux contre Mlle B., le Conseil d’Etat a considéré que la sanction d’avertissement - plus faible sanction infligée à un détenu -, était justiciable, notamment car une telle sanction peut avoir une influence sur les remises de peine susceptibles d’être consenties par le juge d’application des peines. Ainsi le Conseil d’Etat a extrait les sanctions infligées aux détenus de la catégorie des mesures d’ordre intérieur.
Les actes dits « de droits souples » ont pour objet d’exercer une influence sur le comportement de leurs destinataires, sans pour autant avoir une force obligatoire. Ils émanent essentiellement des autorités administratives indépendantes. Ces actes sont longtemps demeurés exclus du prétoire.
Dans deux arrêts (CE, Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta international et autres, n°368082 et CE, Ass., 21 mars 2016, Société Numéricable, n°390023) la Haute juridiction a considéré que bien que ces actes n’aient pas un caractère normateur ils pouvaient néanmoins faire grief et être susceptibles de recours. Désormais, les avis, les recommandations, les mises en garde et les prises de position, adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice de leurs activités, peuvent être attaquées devant le juge de l’excès de pouvoir dans deux hypothèses :