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Le droit de l'urbanisme à l'épreuve du Covid-19

La période de confinement imposée à chacun d’entre nous, sauf hypothèses restrictives dérogatoires, pouvait susciter des craintes à l’égard de l’instruction des autorisations d’occupation du sol, ainsi qu’à l’égard de l’impossibilité matérielle de les mettre en oeuvre, voire
de poursuivre leur exécution.

La première crainte concerne surtout le risque de voir naître, quasi automatiquement, des autorisations tacites à l’expiration des délais d’instruction, débutant certes à compter de la réception d’un dossier complet par le pétitionnaire. La seconde crainte porte sur les risque de péremption des autorisations antérieurement délivrées, lesquelles doivent être mises en oeuvre dans un délai de trois ans (renouvelable sur demande du pétitionnaire), et ne pas être interrompues pendant plus d’une année, à l’expiration du précédent délai.

C’est à ces questions pratiques que répond notamment l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (publiée au JO du 26 mars 2020) relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, prise par le Gouvernement, conformément à la loi ordinaire Covid-19n°2020-290 du 23 mars 2020, publiée au JO du 24 mars 2020.

Aux termes de l’article 11 I de la loi précitée, « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi […] afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle de l’épidémie covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, […], adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance de droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure… ».

C’est sur ce canevas précis que l’ordonnance du 25 mars 2020 a été adoptée par le Gouvernement, en vertu de l’article 38 de la Constitution. Cette ordonnance a vocation à recevoir application uniquement aux délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé (article 1er I).

En vertu de l’article 7 de l’ordonnance, ces délais sont suspendus pour la durée qui était légalement impartie, dans l’intervalle précité, soit entre le 12 mars 2020 et 1 mois après la fin de l’état d’urgence.

Toutefois, à noter que les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 ne sont pas reportés, ce qui est bien évidemment logique, l’état d’urgence sanitaire n’étant pas déclaré à cette période, de sorte qu’une autorisation d’occupation du sol, tacitement née au plus tard le 11 mars 2020 produira son plein et entier effet, sous réserve d’un éventuel retrait dans le délai de trois mois, après mise en oeuvre de la procédure contradictoire.

A titre d’exemples :
- Si une demande préalable a été déposée le 8 février 2020, le délai d’instruction d’un mois est expiré depuis le 8 mars 2020, une décision tacite de non opposition est intervenue, à défaut de réponse expresse, et dans ce cas-là, l’état d’urgence n’aura aucun effet.
- Si une demande a été déposée le 1er mars 2020, le délai d’instruction s’est déroulé normalement du 1er au 12 mars 2020, puis il est suspendu, et reprendra son cours, là aussi normalement son cours, un mois après la fin de l’état d’urgence jusqu’à son terme.
- Si la demande a été déposée le 15 mars 2020, son instruction ne débutera qu’à compter du délai d’un mois suivant la fin de la période d’urgence sanitaire.

Les deux dernières hypothèses permettent donc d’éviter la naissance de décisions tacites.

Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi qu'aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. Est en particulier ici concerné le point de départ du délai d’instruction à réception d’un dossier complet, l’appréciation de cette complétude par le service instructeur est donc lui aussi impacté depuis le 12 mars 2020.

Enfin, l’article 8 de l’ordonnance suspend les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature, à compter du 12 mars 2020 jusqu'à la fin du mois suivant la période d'état d'urgence sanitaire, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice.

Ce texte a vocation à s’appliquer au contrôle de la conformité, mais aussi à la mise en oeuvre des autorisations d’occupation du sol.

 

Philippe Parisi, Avocat associé