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Focus sur l'application de l'ordonnance n°2020-390 du 1er avril 2020.

L’art. 1er de cette ordonnance confie de plein droit aux exécutifs locaux, c’est-à-dire sans qu’une délibération ne soit nécessaire, les attributions que les assemblées délibérantes peuvent habituellement leur déléguer par délibération.

 

Quelles sont les compétences concernées ?

Au sein des communes, le maire exerce l’ensemble des attributions mentionnées à l’article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (à l’exception du 3° portant sur les emprunts), sans nécessité pour le conseil municipal de fixer les limites prévues dans le droit commun pour l’exercice de certaines délégations. Toutefois, le montant des lignes de trésorerie susceptibles d’être mobilisées est plafonné.
Pour tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le président exerce toutes les attributions de l'organe délibérant, à l’exception des matières énumérées ci-après (du 1° au 7° de l'art. L. 5211-10 du CGCT), lesquelles sont expressément exclues de la délégation.

Il s'agit :
1° Du vote du budget, de l’institution et de la fixation des taux ou tarifs des taxes ou redevances ;
2° De l’approbation du compte administratif ;
3° Des dispositions à caractère budgétaire prises par un établissement public de coopération intercommunale à la suite d’une mise en demeure intervenue en application de l’article L. 1612-15 ;
4° Des décisions relatives aux modifications des conditions initiales de composition, de fonctionnement et de durée de l’établissement public de coopération intercommunale ;
5° De l’adhésion de l’établissement à un établissement public ;
6° De la délégation de la gestion d’un service public ;
7° Des dispositions portant orientation en matière d’aménagement de l’espace communautaire, d’équilibre social de l’habitat sur le territoire communautaire et de politique de la ville.

Pour les départements, le président du conseil départemental exerce toutes les attributions énumérées à l’article L. 3211-2 du CGCT ainsi que celles prévues aux articles L. 3221-10-1, L. 3221-11, L. 3221- 12 et L. 3221-12-1 du même code, qui portent respectivement sur les actions en justice, les marchés publics, les droits de préemption prévus par le code de l’urbanisme et le fonds de solidarité pour le
logement.

Pour les régions, le président du conseil régional exerce toutes les attributions énumérées à l'article L. 4221-5 du CGCT, ainsi que celles mentionnées aux articles L.4231-7-1, L. 4231-8 et L. 4231-8-2 du même code, qui concernent respectivement les actions en justice, les marchés publics et les droits de préemption prévus par le code de l’urbanisme.

Par ailleurs, il est délégué au maire, au président du conseil départemental et au président du conseil régional l'attribution des subventions aux associations et le pouvoir de garantir les emprunts sans habilitation préalable de l’organe délibérant.

 

Qu'en est-il des emprunts, des subventions et des lignes de trésorerie?

Les emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget, et aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris les opérations de couvertures des risques de taux et de change (art. L. 2122-22 3° du CGCT) ont été expressément exclus des délégations de plein de droit.

Habituellement, l’art. L. 2122-22 3° du CGCT cesse d’être applicable à la veille du premier tour de scrutin des élections municipales :
« Les délégations consenties en application du 3° du présent article prennent fin dès l'ouverture de la campagne électorale pour le renouvellement du conseil municipal. »

L’article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 (NOR: COTX2008169R) vient donc prendre le relai en rétablissant ces délégations :
« Les délégations en matière d’emprunts ayant pris fin en 2020 en application du dernier alinéa des articles L. 2122-22, L. 3211-2 et L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales sont rétablies à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance et restent valables jusqu’à la première réunion du conseil municipal ou de l’organe délibérant suivant cette entrée en vigueur. »

Par conséquent, la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget et des opérations financières utiles à la gestion des emprunts ne peut se faire que dans la limite des délégations antérieures, rétablies par l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020.

L’article 1er V de l’ordonnance précise que, pour les communes, les intercommunalités, les départements et les régions concernés :
« L’exécutif peut souscrire les lignes de trésorerie nécessaires dans une limite correspondant au montant maximum entre :
1° Le plafond fixé, le cas échéant, par la délibération portant délégation en la matière ;
2° Le montant total du besoin budgétaire d’emprunt figurant au budget de l’exercice
2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019 ;
3° 15 % des dépenses réelles figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019. »

Par ailleurs, l’ordonnance prévoit que le maire procède à l’attribution des subventions aux associations et peut garantir les emprunts durant la période d’état d’urgence sanitaire, sans habilitation préalable.

 

Les limites antérieurement fixées à ces délégations par délibération continuentelles à s’appliquer ?

Les délégations de l’assemblée délibérante à l’exécutif font systématiquement l’objet d’une délibération, prise généralement en début de mandat. Les plafonds fixés par cette délibération, qui limite le pouvoir de l'exécutif, conditionnent sa validité dans de nombreux domaines.

A ce titre, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (art. 19 IV et art. 19 VII 4°) prévoyait : « Les délégations attribuées aux élus dont le mandat est prolongé non plus qu’aucune délibération ne deviennent caduques de ce seul fait ».

Se pose donc la question de l’articulation des dispositions sus-citées avec celles de l’ordonnance n°2020-390 du 1er avril 2020. Le Sénat, sur sa page "Assistance aux maires sur la situation d'urgence sanitaire", sous la question "De nouveaux arrêtés de délégations doivent-ils être pris ?", a lui même relevé cette ambiguïté.

L'articulation entre ces deux textes nous semble devoir être la suivante : la délégation s’applique sans conditions et sans plafond, sauf délibération contraire.

 

Quels sont les contre-pouvoirs prévus?

L’ensemble des décisions prises par les exécutifs dans le cadre des délégations accordées sont soumises à l’obligation de transmission au représentant de l’État pour l’exercice du contrôle de légalité.

De plus, jusqu’à leur installation, les candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée sont destinataires de la copie de l’ensemble des décisions prises sur le fondement de l’article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, de tout acte de même nature pris par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou son remplaçant.

Enfin, le conseil municipal peut à tout moment décider, par délibération, de mettre un terme en tout ou partie à cette délégation ou de la modifier.

Cette question doit être portée à l’ordre du jour de la première réunion du conseil municipal qui suit l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

A notre sens, la modification des actes pris sur délégations ne devrait pas être utilisée tant elle risque d'engendrer de sérieuses difficultés en termes de responsabilité, notamment en raison des droits créés par les actes dont la modification serait envisagée.

 

Léa Durand-Stéphan, Juriste.