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Le bailleur est-il tenu d’assurer la bonne commercialité du centre ?

Le bailleur est-il tenu d’assurer la bonne commercialité du centre permettant l’exploitation du fonds ?

La commercialité occupe une position centrale dans le domaine des centres commerciaux. La réussite de l'activité du locataire du fonds dépend essentiellement de la qualité de l'environnement dont le bailleur est responsable. C’est pourquoi la question de l’étendue des obligations pesant sur le bailleur propriétaire d’un centre commercial a fait l’objet d’un débat houleux. Le bailleur du centre commercial a-t-il une obligation d’assurer la bonne commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne du fonds ?

Dans l'arrêt rapporté du 15 décembre 2021 publié au Bulletin, la Cour de cassation réaffirme que « le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre ».

En l’espèce, une SCI a consenti à une société commerciale un bail commercial sur un local situé au premier étage d'un centre commercial. S’estimant non satisfaite de la commercialité du centre commercial, la locataire a délaissé les lieux. Cette dernière a assigné la SCI en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n’assurant pas une commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne de son fonds. Elle reprochait notamment à sa cocontractante le changement de la nature du centre auparavant « haut de gamme » en raison de l'implantation d'enseignes discounts et de magasins d'usine, ce critère luxueux ayant par ailleurs été contractualisé.

La cour d’appel de Paris a, dans son arrêt rendu le 4 mars 2020, considéré qu'à défaut de stipulations particulières dans le contrat, le bailleur n'était pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre. Les  juges du fond prononcent en ce sens la résiliation du bail aux torts de la société locataire. Néanmoins, à la lecture des clauses du bail, les magistrats de ladite cour d’appel ont constaté que la bailleresse avait manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée. Ils ont alors prononcé une condamnation de la bailleresse à verser la somme de 172 000 € à la locataire en réparation de la perte de chance subie.

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel. Si les Hauts magistrats considèrent à juste titre que l'arrêt d'appel a exactement retenu que le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre, ils censurent en revanche, au visa des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1719 du même code, la condamnation du bailleur à verser à la locataire des dommages et intérêts pour manquement à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée.

Quel est l’intérêt de cette décision ?

La Cour de cassation réitère le principe constant selon lequel sans clause particulière dans le contrat de bail, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial n'est pas tenu de maintenir la commercialité du centre. Il est alors tout à fait possible d’insérer une clause dans le contrat faisant peser sur le bailleur une obligation de conserver un certain niveau d’attractivité du centre.

Cette solution est justifiée par le fait que le bailleur propriétaire de locaux commerciaux a, comme tout bailleur « lambda », uniquement des obligations de délivrance, d’entretien et de jouissance paisible de la chose louée en vertu de  l'article 1719 du code civil.