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Maintien d’une activité déficitaire et faute de gestion

 Le maintien d’une activité déficitaire au sein d’une société bénéficiaire n’est pas une faute de gestion (Cass. com., 22 sept. 2021, n 19-18936, F–D). 

En droit des sociétés, il est possible d’engager la responsabilité du dirigeant social de multiples manières. En la matière, la faute de gestion demeure la plus invoquée. C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 22 septembre 2021 qui précise que le maintien d’une activité déficitaire au sein d’une société bénéficiaire n’est pas une faute de gestion.

En l’espèce, une SARL est propriétaire d’un immeuble dans lequel elle exerce une double activité : dans une partie de celui-ci, une activité de prêt-à-porter, et dans une seconde, une activité de vente de robes de mariée. A la suite de la crise financière de 2008, elle cesse cette première activité pour conclure un bail commercial portant sur la partie de l’immeuble exploitée par l’activité. Malgré les bienfaits de cette mesure quant aux finances de la SARL, un des associés oppose à la dirigeante de ne pas avoir mis un terme à la seconde activité également déficitaire : celle de la vente de robes de mariée. 

La Cour d’appel ayant rejeté ladite demande, l’associé demandeur initial se pourvoit en cassation. Ce pourvoi est rejeté par la Cour de cassation au motif qu’aucune faute de gestion n’avait été commise par la gérante dès lors que l’activité maintenue, bien que déficitaire n’était pas contraire à l’intérêt social.

Comment justifier une telle décision ?

Il est de jurisprudence constante que l’existence d’un bilan déficitaire ne caractérise pas, en tant que telle, une faute de gestion du dirigeant. Cette motivation semble s’élargir au cas d’espèce, d’autant plus que seule l’activité secondaire est déficitaire alors même que l’ensemble de la société est bénéficiaire. En effet, ce n’est pas au regard du déficit qu’il faut apprécier la faute du dirigeant mais eu égard au comportement de ce dernier vis-à-vis de ce déficit.

La Cour de Cassation confirme qu’il n’existait, en l’espèce, aucune faute comparable dès lors que ce déficit avait pour origine une cause extérieure, à savoir la crise financière de 2008, et que le maintien de l’activité entrait dans une logique économique rationnelle dans l’intérêt de la société qui diversifie ainsi ses activités.

La Cour de Cassation, par une motivation fournie précise que : « si l’activité de vente de la société est déficitaire, elle ne représente toutefois pas un chiffre conséquent et (...) les revenus locatifs compensent le maintien de cette activité, rien n’interdisant à une société de chercher à équilibrer une activité par une autre ».

Une autre condition de la faute de gestion n’était pas ici réunie : celle de l’acte effectué dans l’intérêt unique du dirigeant. En effet, la dirigeante était par ailleurs salariée de la société et disposait d’une rémunération fixée avec l’accord unanime des associés. Celle-ci, précise la Cour « ne saurait être qualifiée d’excessive ».

En réalité, il ressort de l’analyse, tant des juges du fond que de la Haute Juridiction, que la dirigeante avait exercé sa mission sociale adéquatement, prudemment et intelligemment, en jonglant entre les intérêts économiques et sociaux de la société, en diversifiant ses activité au regard de l’objet social de la société et conformément aux bénéfices globaux de la société.

Quelle est l’apport de cet arrêt ?

La motivation du pourvoi permet de comprendre les raisons pragmatiques de l’espèce. Le demandeur, neveu de la gérante, souhaitait en réalité engager la responsabilité de sa tante en raison d’un contexte successoral connexe. Si les motifs à l’origine de ce litige semblent d’ordre personnel, cet arrêt ne manque pas de rappeler les contours et les exigences de la qualification de la faute de gestion. Celle-ci étant communément invoquée par tout contestataire souhaitant engager la responsabilité du dirigeant, le juge appréciera rigoureusement le manquement allégué afin de ne pas affaiblir ce mécanisme juridique de contrôle du comportement du dirigeant.