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Modification notable des caractéristiques des locaux et déplafonnement

IMAVOCATS - Bail commercial - Cass. 3e civ., 9 sept. 2021, n° 19-19.285

 Une modification notable des caractéristiques des locaux loués en cours du bail expiré justifie, à elle seule, le déplafonnement du loyer. En l’absence de convention contraire, les intérêts de retard courent à compter de la délivrance de l’assignation en fixation du prix lorsque celle-ci émane du bailleur.

En l’espèce, une société donne à bail des locaux à usage commercial pour un loyer annuel d’un montant de 45 735 euros hors taxes. Elle propose le renouvellement du bail à compter du 1 juillet 2011 dans un congé délivré le 28 décembre 2010 moyennant un loyer annuel de 180 000 € HT. La société preneuse accepte le renouvellement mais rejette le montant proposé. Dès lors, la bailleresse assigne la preneuse devant le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer renouvelé.

La Cour d’appel fait droit à la demande de la bailleresse quant au déplafonnement du loyer et fixe à la date du renouvellement du bail, le point de départ des intérêts des arriérés de loyers et ordonne la capitalisation de ces intérêts.   

Deux aspects essentiels et pratiques du bail commercial sont ici traités par la Cour de cassation.

            I – Le déplafonnement du loyer

Cette solution publiée au bulletin, s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle riche de la Cour de cassation quant aux justifications au déplafonnement du nouveau loyer.

Celle-ci a précédemment considéré qu'une modification notable, cette fois, des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement dudit loyer qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur (Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-30.825).

Inversement la haute juridiction a pu considérer qu'une modification de la destination des lieux loués survenue en cours du bail commercial justifie à elle seule le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (Cass. civ. 3, 18 janvier 2012, n° 11-10.072).       

La cour d'appel avait ici retenu qu'une modification notable des caractéristiques des locaux loués suffisait à elle seule à justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé. Pourtant la locataire demanderesse au pourvoi soutient que ces modifications, ayant une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur, ne peuvent constituer par elles seules un motif de déplafonnement du nouveau loyer. Cet argument semble faire écho à l’arrêt en date du 14 septembre 2011 précité.

La Cour de cassation rejette cet argument et ainsi le pourvoi, en ce point, et confirme la position des juges du fond affirmant que dès lors que des travaux décidés et réalisés par la locataire sont constatés au cours du bail expiré, et qu’ils ont modifié notablement les caractéristiques des locaux loués, le déplafonnement du loyer du bail renouvelé est justifié. Peu importe que ces travaux aient eu une incidence favorable sur les locaux exploités.

            II – La fixation du point de départ des intérêts de retard

Confirmant la position des juges d'appel relative au déplafonnement sus-évoqué, la Cour de cassation censure néanmoins l'arrêt attaqué quant à la condamnation de la locataire à payer les intérêts au taux légal sur l’arriéré résultant du loyer déplafonné courant à la date du renouvellement du bail commercial.

Les faits de l'espèce étant antérieurs à l’ordonnance du 10 février 2016, il est ici fait application de l’ancienne rédaction de l’article 1155 du code civil qui prévoyait que « les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention. »

Les juges du droit censurent donc la cour d'appel en ce qu'elle a considéré que les intérêts au taux légal couraient sur l'arriéré de loyers à la date à laquelle le bail commercial a été renouvelé, alors qu'en vertu de l’article précité ces intérêts, dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement, courent, en l'absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix lorsqu'elle émane du bailleur.

Sur ce point cet arrêt ne manque pas de rappeler les diligences auxquelles doivent se soumettre les professionnels du droit quant aux faits antérieurs à la réforme de de 2016, la fixation du point de départ des intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement en étant ici un éminent exemple.