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Autorisation du syndic à agir en justice en matière de travaux

On sait que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale. Seules les actions en référé, le recouvrement des charges et la mise en œuvre des voies d’exécution échappent, aux termes de l’article 55 alinéa 1er du décret du 17 mars 1967, à ce principe qui est donc simple. Pourtant les syndics continuent à se faire parfois piéger en sollicitant cette autorisation trop tardivement, et peuvent engager leur responsabilité à l’égard du syndicat des copropriétaires.

En effet si le défaut d’habilitation préalable est une irrégularité de fond qui peut être couverte par une autorisation postérieure à l’action, encore faut-il qu'elle intervienne dans les délais de l'action.

Autrement dit, l’assemblée générale des copropriétaires doit valider le mandat d’ester en justice avant que l’action ne soit prescrite.

Dès lors, le syndic est soumis à des contraintes contradictoires : interrompre rapidement les délais de prescription, et solliciter une habilitation d’agir en justice dans des termes relativement précis.

On pense à la mise en œuvre des garanties des constructeurs et des assureurs dans lesquelles le syndic ne connaît pas, en principe, les causes et les responsabilités à l’origine des désordres constatés.

 S’agissant plus particulièrement de la mise en œuvre de la garantie des vices apparents, l’action doit être engagée à l’encontre du promoteur-vendeur dans l’année de la prise de la prise de possession des parties communes. Autant dire que le syndic n’aura souvent pas le temps d’attendre la prochaine assemblée générale ou même d’en convoquer une en urgence pour se faire autoriser à interrompre ce délai.

Or, faute pour le syndicat des copropriétaires de justifier d'une habilitation du syndic intervenue dans le délai d'action des vices de construction apparents, ses demandes sont ultérieures seront irrecevables (Cour d'appel de Versailles. 4ème Chambre 14 janvier 2013. R.G. N° 11/04001).

Il faut donc interrompre la prescription tout en veillant à se faire mandater pour ester en justice avant que l’action soit prescrite. 

  1. Comment interrompre la prescription ?

 

Le syndic peut interrompre la prescription en prenant l’initiative de faire désigner un expert judiciaire par une action en référé sans être habilité par l’assemblée générale.

En effet, conformément à l’article 2241 du Code civil, cette citation en référé signifié à celui que l’on veut empêcher de prescrire interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir, qu'il s’agisse de la garantie décennale ou de la garantie de parfait achèvement.

 L'article 2231 du Code civil précise que l'interruption fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien, quand la citation en justice réunit les conditions nécessaires pour interrompre le délai de prescription.

 L'effet interruptif de la citation se double d'un effet suspensif car la prescription reste interrompue pendant toute la durée de l'instance afin que le demandeur ne reste pas exposé à une prescription (surtout si le délai est bref) qui ne recommencerait immédiatement à courir qu'à compter de la citation. La jurisprudence décide aujourd'hui que l'interruption de la prescription se prolonge jusqu'au jour où le jugement est devenu définitif.

 La durée de l'effet interruptif de la citation a aussi été limitée pour les référés tendant à la désignation d'un expert : depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, (article 2239 du Code civil) la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

 Attention : la citation en référé tendant à la désignation d'un expert n'a pu avoir d'effet interruptif à l'égard de l'assureur qui n’est pas dans la cause.

 Par ailleurs, il a été jugé qu’en présence d’une pluralité d’ordonnances de référé, la prescription n’est pas interrompue à l’égard d’une entreprise qui n’est pas partie à toutes les ordonnances mais seulement à la procédure initiale. Ainsi, un syndic qui a pris l’initiative d’une procédure d’expertise envers le seul assureur dommages-ouvrage ne saurait bénéficier de l’interruption de l’action de l’assureur dommages-ouvrage qui a assigné les constructeurs lors d’une expertise judiciaire.

Il faut alors veiller à solliciter une habilitation de l’assemblée générale des copropriétaires avant que l’action ne soit prescrite, une fois l’effet suspensif de  l’expertise judiciaire épuisé.

  1. Jusqu’à quand peut-on faire ratifier l’autorisation d’ester en justice ?

 

La ratification sera impossible et l'irrégularité de fond qui affecte la validité de l'assignation en raison du défaut de pouvoir du syndic n'est plus susceptible d'être couverte après l'expiration du délai d'exercice de l'action.

La question se pose ainsi dans les conflits entre un syndicat et les locateurs d'ouvrage tenus à la garantie décennale : si le délai de garantie est expiré avant que n'intervienne la ratification du pouvoir d'agir du syndic, la demande en justice du syndicat est alors irrecevable et le syndic se sentira bien seul pour expliquer aux copropriétaires que les frais d’expertises ont été engagés en pure perte…

Encore faut-il pour ratifier valablement qu’il y ait identité d’objet et de personnes entre la citation initiale en référé et  le mandat d’ester justice devant le juge du fond.

 En effet, le principe est que la prescription n'est interrompue que relativement au droit invoqué dans la citation. Ainsi la prescription n’est-elle pas interrompue pour des désordres non compris dans l’assignation initiale. Dès lors la ratification de l’action pour ces désordres pourra être tardive et l’action irrecevable en ce qui les concerne.

  1. Comment rédiger la résolution autorisant le syndic à ester en justice ?

 

Le syndic ne doit pas omettre de soumettre à l’assemblée générale des copropriétaires une demande d’habilitation d’agir en justice au fond, dans des termes précis et avant la fin du délai de l’action.

En effet, il a, par exemple, été jugé que le pouvoir donné au syndic "d'entamer la procédure permettant la nomination d'un expert judiciaire pour la constatation des malfaçons en terrasses et des murs" ne peut équivaloir à une autorisation d'agir au fond contre le constructeur.

En revanche, les juges considèrent que le syndic de copropriété a été régulièrement habilité à agir en justice dès lors que dans la résolution de l'assemblée générale les précisions sont suffisantes quant à la détermination de la procédure à engager, son objet qui se réfère à l'expertise, sans que soit nécessaire la désignation précise des personnes physiques ou morales visées par l'assignation à venir.

Ainsi, l'autorisation donnée par l'assemblée générale au syndic d'agir en justice à l'encontre des constructeurs vaut à l'égard de l'ensemble des personnes tenues à cette garantie et de leurs assureurs.

 

Nous Conseillons :

- de faire établir un procès-verbal de constat d’huissier exhaustif des désordres et des non-conformités,

- de faire délivrer rapidement une citation en référé sollicitant une expertise judiciaire afin d’interrompre et suspendre la prescription de l’action, avec mission de constater et analyser l’ensemble des points relevés dans le constat,

- de se faire autoriser parallèlement à engager cette action (et voter le budget correspondant), même si cela n’est pas obligatoire, par une résolution rédigée en termes généraux du type : « l'assemblée générale autorise et mandate à cet effet le syndic à ester en justice et à engager toute action en désignation d'expert judiciaire et au fond à l'encontre de quiconque responsable des désordres et non-conformités affectant l'immeuble et qui ont notamment été constatés par huissier dans un constat en date du…». En cas de vote négatif il suffira au syndic de ne pas consigner et sa responsabilité à l’égard du syndicat sera couverte.

- de soumettre à nouveau à l’assemblée des copropriétaires, dès le dépôt du rapport d’expertise, une résolution qui « autorise le syndic à saisir le tribunal au fond en lecture du rapport dont les conclusions sont jointes à la convocation, en vue de rechercher la responsabilité des constructeurs et de leurs assureurs et d’obtenir réparation de l’ensemble des préjudices subis par le syndicat et l’ensemble des copropriétaires ».