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Le règlement de copropriété prime sur la notice descriptive

Le droit de la copropriété et la gestion des résidences de tourisme ne font pas toujours bon ménage.

Ainsi, il n'est pas rare de trouver des contradictions entre la notice descriptive annexée aux actes de vente et les mentions figurant dans le règlement de copropriété, sur les lots privatifs affectés par le promoteur à la fourniture de prestations collectives. Cela nécessite d'établir une hiérarchie entre ces documents.

En effet, la tentation est grande pour l'acquéreur ultérieur de ces lots réservés aux services de les rentabiliser en les affectant à une autre activité. 

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur cette question dans un arrêt publié au bulletin voué à une large diffusion du 9 mai 2019 (Cassation, 3ème Chambre civile, 9 mai 2019, 18-17.334), concernant une copropriété construite avant le 1er juillet 2014, donc antérieurement à l'application de la loi ALUR.

En l'espèce, le promoteur d’une résidence de tourisme soumise au régime de la copropriété avait vendu les lots en l’état futur d’achèvement à l’exception de ceux des locaux affectés à la fourniture de prestations collectives, dont la SCI a conservé la propriété, avant de les céder à un tiers  qui les a loués pour une activité commerciale.

Le syndicat des copropriétaires et le gestionnaire de la résidence ont agi en requalification des parties privatives de ces lots en parties communes, se fondant sur la notice descriptive annexée aux actes de vente en l’état futur d’achèvement qui selon eux prévalent sur celles du règlement en tant qu’elles constituent un référentiel contractuel opposable au vendeur d’immeuble. Subsidiairement, ils invoquent l’impossibilité de commercialiser la résidence en offrant l’intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux copropriétaires et ont sollicité le constat de l’abandon des lots et l’attribution de leur propriété au syndicat.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a clairement posé le principe de la primauté du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division sur la notice descriptive :

Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, retenu à bon droit que la notice descriptive, qui indique les caractéristiques techniques tant de l’immeuble lui-même que des travaux d’équipement intérieur ou extérieur indispensables à son implantation et à son utilisation, a pour rôle de déterminer les spécificités principales de la construction, la nature et la qualité des matériaux, sans pour autant définir davantage les droits de l’acquéreur ni primer sur les dispositions claires du règlement et de l’état descriptif de division établissant le titre conventionnel de copropriété auquel les acquéreurs ont adhéré et relevé que ces dispositions conféraient aux lots litigieux des tantièmes des parties communes générales, leur consistance précise, leur destination et leur caractère privatif exprès exclusif de toute partie commune, la cour d’appel, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que la demande de requalification des parties privatives des lots litigieux en parties communes devait être rejetée.

Il n'en reste pas moins que la cession de lots privatifs qui avaient été promis par le vendeur à un usage collectif pour répondre aux impératifs d'un classement en résidence de tourisme au sens de l'article D.321-1 du Code du tourisme, peut être lourd de conséquences, notamment fiscales.

Pour mémoire, la qualité de « résidence de tourisme » au sens de l’article D.321-1 du Code du tourisme doit répondre à plusieurs critères, notamment celui de disposer de locaux à usage collectifs comprenant « un minimum d'équipements et de services communs. [La résidence de tourisme] est gérée dans tous les cas par une seule personne physique ou morale ». 

C'est pourquoi la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite « loi ALUR » a introduit des dispositions concernant ces lots nécessaires à l’exploitation des résidences de tourisme classées : 

« V.-Pour les résidences de tourisme mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme, construites à partir du 1er juillet 2014, et placées sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les locaux à usage collectif composés d'équipements et de services communs au sens de l'article D. 321-1 du même code ne peuvent faire l'objet d'un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l'objet d'une propriété indivise du syndicat des copropriétaires. 

Dans les résidences de tourisme, placées sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, déjà existantes au 1er juillet 2014, lorsque les locaux à usage collectif faisant l'objet d'un lot distinct propriété d'un copropriétaire ne sont pas entretenus, entraînant un déclassement de cette résidence ou l'impossibilité de la commercialiser en offrant l'intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux autres copropriétaires, l'assemblée générale des copropriétaires peut saisir le tribunal de grande instance d'une demande aux fins de voir prononcer un état de carence ou de constater abandon. 

La responsabilité de l'entretien des locaux à usage collectif, pour lesquels est prononcé un état de carence, peut être confiée par le juge, à titre temporaire, au syndicat des copropriétaires. Le propriétaire de ces parties communes reste redevable des charges engagées par le syndicat des copropriétaires pour cet entretien. 

En cas de défaillance avérée du propriétaire du lot considéré, les locaux à usage collectif dont est judiciairement constaté l'abandon peuvent devenir la propriété indivise du syndicat des copropriétaires, après le paiement d'une juste et préalable indemnité déterminée par le juge et versée au précédent propriétaire. Le syndicat des copropriétaires ne peut alors céder la propriété de ces locaux à usage collectif dans le cadre d'un lot distinct ». 

Le législateur a ainsi opéré une distinction entre les résidences de tourisme construites après le 1er juillet 2014, pour lesquelles « les locaux à usage collectif composés d'équipements et de services communs au sens de l'article D. 321-1 du même code ne peuvent faire l'objet d'un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l'objet d'une propriété indivise du syndicat des copropriétaires », et celles construites avant le 1er juillet 2014, non soumises au nouveau dispositif sauf cas particulier. 

Pour les résidences de tourisme construites avant le 1er juillet 2014, la cession des lots privatifs affectés aux services communs est libre selon le droit commun. Toutefois, si la destination contractuelle de ces lots est la délivrance de services et d’équipements communs, elle ne pourra être modifiée qu'à l'unanimité, si le changement porte atteinte à la destination de l'immeuble. En revanche, s’agissant de lots privatifs, le montage juridique de cette copropriété n’impose pas au propriétaire de ces lots de les donner à bail à l’exploitant. 

C'est pour répondre à cette situation de délaissement qu'il a été prévu :

- Un mécanisme de saisine du TGI en cas de non-entretien de ces locaux à usage collectif « aux fins de voir prononcer un état de carence ou de constater abandon » ; 

- En cas de constat judiciaire d’une carence, les locaux à usage collectif « peuvent devenir la propriété indivise du syndicat des copropriétaires, après le paiement d'une juste et préalable indemnité déterminée par le juge et versée au précédent propriétaire. Le syndicat des copropriétaires ne peut alors céder la propriété de ces locaux à usage collectif dans le cadre d'un lot distinct » : dans cette hypothèse, on retombe alors dans le régime prévu pour les résidences construites après le 1er juillet 2014. 

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du  9 mai 2019, le syndicat des copropriétaires et le gestionnaire n'ont pas utilisé ce mécanisme, ce que ne manque pas de rappeler la Cour de cassation.