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L'agent immobilier responsable de l'insolvabilité de l'acquéreur

Cour de cassation, 1re chambre civile, 11 Décembre 2019 – n° 18-24.381

L'obligation de renseignement et de conseil de l'agent immobilier se renforce au fil de la jurisprudence. Il doit participer, comme le notaire, à l'efficacité juridique de la convention. 

La responsabilité de l'agent immobilier peut ainsi être engagée pour n'avoir pas justifié le conseil aux vendeurs de prendre des garanties ou les avoir mis en garde contre le risque d'insolvabilité de l'acquéreur qu'il leur avait présenté.

En l'espèce, un vendeur a confié à un agent immobilier un mandat de vente d'un bien immobilier. L'acquéreur déclare ne pas recourir à un emprunt pour acquérir le bien. À la date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique l'acquéreur ne se présente pas. De plus, et suite à cette défection, il ne respecte pas son engagement d'indemniser vendeur et agent immobilier. Le vendeur assigne l'acquéreur et l'agent immobilier en indemnisation.

La cour d'appel rejette la demande d'indemnisation contre l'agent immobilier au motif que « si l'acquéreur, âgé de 25 ans, célibataire, cariste magasinier, a déclaré ne pas avoir recours à un emprunt pour acquérir le bien, ces éléments, figurant à la promesse de vente, n'ont jamais été dissimulés aux vendeurs qui les ont acceptés et sont toujours demeurés libres de ne pas contracter s'ils estimaient que les garanties offertes n'étaient pas suffisantes, et que l'agent immobilier ne dispose pas de plus de moyens qu'un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l'acquéreur ».

La Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d'appel  en ce qu'elle rejette la demande d'indemnisation formée par le vendeur contre l'agent immobilier, au motif que l'agent immobilier est tenu non seulement d'un devoir de conseil mais également du devoir de justifier avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties ou les avoir mis en garde contre le risque d'insolvabilité de l'acquéreur qu'il leur avait présenté.

"Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 30 août 2014, M. et Mme F. (les vendeurs) ont confié à la société STDI (l’agent immobilier), exerçant sous l'enseigne Casa immobilier, le mandat de vendre un bien au prix de 160 000 euros, moyennant une rémunération de 10 000 euros ; que, le 22 septembre 2014, ils ont signé, par l’intermédiaire de l’agent immobilier, une promesse synallagmatique de vente avec M. L. (l’acquéreur), lequel a déclaré ne pas avoir à recourir à un emprunt pour acquérir le bien ; que, le 16décembre 2014, date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique, l’acquéreur ne s’est pas présenté ; que, le lendemain, il s’est engagé à payer la somme de 17 000 euros aux vendeurs et celle de 10 000 euros à l'agent immobilier ; que cet engagement n’ayant pas été exécuté, les vendeurs ont assigné l’acquéreur et l’agent immobilier en indemnisation ;

Attendu que, pour rejeter leur demande dirigée contre l’agent immobilier, l’arrêt retient que, si l’acquéreur, âgé de 25 ans, célibataire, cariste magasinier, a déclaré ne pas avoir recours à un emprunt pour acquérir le bien, ces éléments, figurant à la promesse de vente, n’ont jamais été dissimulés aux vendeurs qui les ont acceptés et sont toujours demeurés libres de ne pas contracter s’ils estimaient que les garanties offertes n’étaient pas suffisantes, et que l’agent immobilier ne dispose pas de plus de moyens qu’un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l’acquéreur ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’agent immobilier n'avait pas justifié avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties ou les avoir mis en garde contre le risque d'insolvabilité de l'acquéreur qu'il leur avait présenté, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande d’indemnisation formée par M. et Mme F. contre la société SDTI, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient"