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Pour une révolution numérique en copropriété

On estime à près de 30 % le nombre de logements en copropriété en France; c'est dire si l'état d'urgence sanitaire et le confinement ont marqué les copropriétaires. C'est l'occasion de tirer les leçons de la crise et de mesurer si la loi de 1965 récemment rénovée, a résisté à cette épreuve ou si elle doit encore être modifiée pour l'adapter à l'épreuve actuelle et à l'évolution des temps à venir.

Si on ne peut en vouloir au législateur de ne pas avoir anticipé une circonstance aussi exceptionnelle, il est certain que l'architecture de la loi n'est pas adaptée au confinement. Comment faire fonctionner une démocratie directe sans assemblées générales, sans réunions du conseil syndical et sans interventions extérieures ? Comme le pays, le petit monde de la copropriété s'est figé et s'est retrouvé paralysé.

Quelles leçons en tirer et comment améliorer le fonctionnement de la copropriété en situation de crise, qu'on espère ne pas revivre, mais dont on ne peut présumer en être à tout jamais épargné ? C'est aussi dans ces circonstances exceptionnelles que l'on découvre de nouvelles perspectives d'amélioration du quotidien.

L'impossibilité de se réunir met en évidence l'impérieuse nécessité de développer dans les copropriétés, comme l’ont fait les sociétés depuis longtemps, la participation des copropriétaires aux réunions et aux assemblées dans le cadre d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle permettant leur identification et la signature électronique des procès-verbaux. Le recours à grande échelle au télétravail et aux liaisons numériques durant le confinement laissera des traces et facilitera l'adhésion des copropriétaires à une participation à distance aux réunions et aux assemblées. A n'en pas douter, cela limitera d'ailleurs l'absentéisme auxdites assemblées générales, ce qui était précisément l’un des objectifs des auteurs de la loi Elan du 23 novembre 2018.

Encore faut-il au préalable apporter quelques retouches aux textes actuels pour faciliter et sécuriser ces assemblées. En effet, la loi Elan, le décret du 27 juin 2019 (D. 1967, art. 13-1 et s.) et l'ordonnance du 30 octobre 2019 (qui a complété l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965), octroient aux copropriétaires le droit de participer à distance aux assemblées générales, notamment par visioconférence ou par tout autre moyen électronique, mais confie le pouvoir de décider des modalités de ces nouvelles possibilités de participation à l'assemblée générale qui doit, en application du texte, recourir à un système garantissant l'identification des copropriétaires qui participeront à l'assemblée générale à distance. Ainsi, le refus d'une majorité de copropriétaires de voter sur ces modalités, annihilerait le droit des autres copropriétaires à bénéficier de cette possibilité. Il est temps d'accélérer le processus de modernisation de la copropriété en rendant immédiatement obligatoire la mise en place  des outils numériques permettant aux copropriétaires d'utiliser leur droit d'assister à distance aux assemblées générales, même si tous les copropriétaires n'auront pas l'obligation d'utiliser ces outils.

Par ailleurs, le vote à distance reste encadré par d'autres dispositions qui complexifient, en pratique, leur organisation. Il en va ainsi d'une assemblée totalement virtuelle à laquelle tous les copropriétaires participeraient à distance, comme cela s'impose en situation de confinement, et au cours de laquelle le président de l'assemblée générale devra seul et à distance certifier la feuille de présence, après son élection vérifier les pouvoirs des mandataires des copropriétaires absents, animer les débats et gérer les incidents, avant de signer électroniquement avec les scrutateurs le procès-verbal. Il serait peut-être plus réaliste de permettre aux copropriétaires de confier ces pouvoirs aux syndics professionnels sous le contrôle du président de séance. L’arrêté permettant l’application du vote par correspondance est plus que jamais attendu par les gestionnaires comme les copropriétaires.

En ce qui concerne les conseillers syndicaux, dont l'ordonnance du 30 octobre 2019 a renforcé les pouvoirs, il apparait également impérieux de prévoir dans la loi leur participation à distance aux réunions du conseil syndical, même si cette modalité semble implicitement permise dans la mesure où les textes sont muets sur la question.

Le gouvernement en a les moyens puisque l’habilitation qui lui a été octroyée l’autorise à adapter, « le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l'impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires » (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, art. 11, I, 2°, j). Une opportunité à saisir afin de permettre au statut légal d’être en phase avec les nécessités de la pratique.

Jean-Marc ROUX
Maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille
Directeur scientifique des éditions Edilaix
Rédacteur du Code de la copropriété Lexis Nexis

Philippe MARIN
Avocat associé-gérant du cabinet d'avocats IMAVOCATS
Membre de la Chambre Nationale des Experts de la Copropriété
Collaborateur aux Editions Edilaix