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Procédures Collectives : pouvoirs du liquidateur

En 1988, les époux Balaven ont, par acte notarié, fait donation à leur fils, d'un immeuble affecté d'une clause d'inaliénabilité.

En 1992, le donataire ayant été mis en liquidation judiciaire, le juge commissaire autorisa le liquidateur à faire vendre aux enchères l'immeuble objet de la donation.

Le Tribunal de grande instance compétent saisi par Mme Balaven, donatrice survivante, a réformé l'ordonnance du juge commissaire.

Le jugement susvisé fut confirmé par l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes le 11 juin 2002, à l'encontre duquel le liquidateur s'est pourvu en cassation.

La question se posait de savoir si le liquidateur, intervenant à la suite du dessaisissement du débiteur, pouvait engager une action, fondée sur les articles 900-1 du Code civil et L. 622-6 du Code de commerce, tendant à être autorisé à disposer d'un bien donné avec clause d'inaliénabilité.

Le liquidateur soutenait que cette action lui était ouverte, dans la mesure où c'est lui qui "exerce pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine (et que de ce fait), il a qualité pour demander à être judiciairement autorisé à disposer du bien affecté d'une clause d'inaliénabilité si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige".

Par un arrêt de rejet en date du 9 novembre 2004, la chambre commerciale de la Cour de cassation retient que "l'action tendant à être autorisé à disposer du bien donné avec clause d'inaliénabilité, subordonnée à des considérations personnelles d'ordre moral ou familial, étant exclusivement attachée à la personne du donataire, ne peut être exercée par le liquidateur judiciaire".

Dans ces conditions, le liquidateur ne peut demander l'autorisation de disposer d'un bien affecté d'une clause d'inaliénabilité appartenant à son administré, dès lors que cette clause est subordonnée à des considérations personnelles d'ordre moral ou familial exclusivement attachée à la personne du donataire et ce alors même qu'un intérêt plus important (en l'occurrence la protection des créanciers du débiter dessaisi) pourrait le justifier.

Cet arrêt règle le conflit existant entre le droit des procédure collective et le droit de la famille en faveur de ce dernier.

TEXTE INTEGRAL DE L'ARRET :

Cour de Cassation
Chambre commerciale

Audience publique du 9 novembre 2004 Rejet

N° de pourvoi : 02-18617
Publié au bulletin

Président : M. TRICOT


REPUBLIQUE FRANCAISE


 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 11 juin 2002) et les productions, que M. et Mme Jean-Pierre X... ont, par acte notarié du 28 janvier 1988, fait donation à leur fils Jean-Pierre X... d'un immeuble, avec réserve d'usufruit à leur profit, droit de retour et interdiction pour le donataire d'aliéner les biens reçus ; que M. Jean-Pierre X... fils ayant été mis en liquidation judiciaire le 14 décembre 1992, le juge-commissaire a autorisé Mme Y..., son liquidateur, à faire vendre l'immeuble objet de la donation aux enchères publiques, par ordonnance du 14 décembre 1999 ; que, sur tierce opposition de Mme X..., donatrice survivante, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance lequel a réformé l'ordonnance du juge-commissaire du 14 décembre 1999 ;


 

Attendu que Mme Y..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir, en confirmant le jugement, réformé l'ordonnance du juge-commissaire, alors, selon le moyen, que le liquidateur qui exerce pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine a qualité pour demander à être judiciairement autorisé à disposer du bien affecté d'une clause d'inaliénabilité si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige ; que pour refuser d'autoriser Mme Y... à disposer du bien de son administré affecté d'une clause d'inaliénabilité, la cour d'appel a retenu que la demande d'autorisation de céder était personnelle au débiteur et ne pouvait être exercée par son mandataire liquidateur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 900-1 du Code civil, ensemble l'article L. 622-9 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt qui énonce exactement que l'action tendant à être autorisé à disposer du bien donné avec clause d'inaliénabilité, subordonnée à des considérations personnelles d'ordre moral ou familial, est exclusivement attachée à la personne du donataire, en déduit à bon droit que cette action ne peut être exercée par le liquidateur judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.