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Portée des griefs invoqués par le salarié dans la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Dans un arrêt du 19 octobre 2004, la Cour de cassation avait affirmé que "seuls les faits invoqués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte de la rupture permettent de requalifier la démission en licenciement" (Cass. soc., 19 oct. 2004, n° 02-45.742, Sté AIPSA c/Hekimian). Cette formulation très générale pouvait laisser penser que la lettre de prise d’acte fixe les limites du litige, avec pour conséquence que le salarié ne peut invoquer d’autres motifs que ceux mentionnés dans sa lettre de prise d’acte de rupture du contrat de travail. La Haute juridiction vient de préciser la portée de cette exigence dans un arrêt du 29 juin 2005.

Un salarié adresse à son employeur une lettre de démission en lui reprochant l’absence de paiement de ses compléments de salaire et de congés payés. La cour d’appel saisie du litige qualifie la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse en se fondant sur des éléments qui n’étaient pas mentionnés dans la lettre de démission.

L’employeur conteste l’arrêt de la cour d’appel en invoquant la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt du 19 octobre 2004. La cour d’appel devait fonder sa décision uniquement sur les éléments invoqués par le salarié dans la lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail car celle-ci fixe les limites du litige.

La Cour de cassation rejette cette argumentation et précise clairement sa jurisprudence antérieure. Elle considère que l’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Par conséquent, les juges du fond investis du pouvoir de contrôler les griefs invoqués par le salarié, pourront fonder leur décision aussi bien sur les griefs mentionnés dans la lettre de prise d’acte, que sur les griefs invoqués au cours de l’instance. Il n’y a donc pas de parallélisme des formes entre la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige, et la lettre de prise d’acte de la rupture émanant du salarié.

Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-42.804, Sté Dépannage