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L'employeur peut-il compenser une créance sur un salarié avec le salaire ?

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été engagé à compter du 1er décembre 1997 en qualité de chauffeur de direction ayant le statut cadre par la société France télévisions publicité ; qu'à la suite d'un accord sur l'organisation et la réduction du temps de travail conclu au sein de la société le 21 décembre 1999, il a été classé "cadre autonome" au sens de l'article 7.1 de cet accord, classification confirmée par avenant au contrat de travail du 6 janvier 2000 ; qu'au titre de ce positionnement il s'est vu appliquer un forfait annuel de 210 jours en contrepartie duquel sa rémunération devenait forfaitaire ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 13 novembre 2003 en réclamant le paiement d'heures supplémentaires ; qu'il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en rappel d'heures supplémentaires, de congés y afférents et du salaire de novembre 2003, l'employeur ayant retenu la totalité de son salaire de ce mois en remboursement d'un prêt qu'il lui aurait consenti ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2004) d'avoir condamné la société France télévision publicité à payer à M. X... la somme de 3 363,93 euros restant dus sur le salaire de novembre 2003 alors, selon le moyen :
1 / que le juge des référés n'a pas pouvoir pour trancher la question de l'existence d'un prêt, dès lors que la partie qui s'en prévaut produit des éléments de nature à l'étayer ; qu'en l'espèce la société se prévalait d'une contestation sérieuse interdisant au juge des référés de se prononcer sur l'existence du prêt et, partant, de faire droit à la demande de restitution du salarié ; qu'en se prononçant sur cette question après avoir cependant constaté que l'employeur produisait un tableau d'amortissement de juillet 2000 à juin 2002 d'un prêt ancien, un relevé des avances sur salaires au 18 septembre 2001, des avis à tiers détenteur émanant du Trésor public et des demandes d'acompte sur salaire formées par M. X..., éléments de nature à étayer l'existence du prêt allégué, la cour d'appel a violé l'article R. 516-30 du Code du travail ;
2 / que le juge ne peut modifier l'objet du litige ; que le salarié se bornait dans ses conclusions à soutenir que l'employeur peut compenser un prêt consenti à ses salariés dans la limite de 10 % du montant des salaires exigibles en vertu de l'article L. 144-2 du Code du travail, qu'en reprochant néanmoins à l'employeur de n'avoir pas rapporté la preuve du montant et de la nature de sa créance la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que l'interdiction faite à l'employeur de pratiquer des retenues successives excédant le 1/10e de la rémunération ne s'applique qu'aux avances en espèces consenties dans le cadre des relations de travail ; qu'elle ne concerne donc pas le remboursement d'un prêt à caractère purement personnel conclu indépendamment de ces relations ;
qu'en considérant que cette dette du salarié ne pouvait se compenser avec la créance de salaire que dans la limite du 1/10e de la rémunération, la cour d'appel a violé l'article L. 144-2 du Code du travail ;
Mais attendu que, abstraction faite du motif critiqué par le moyen dans sa première branche, la compensation des sommes restant dues par le salarié au titre du prêt avec le salaire ne peut s'appliquer que sur la fraction saisissable du salaire en application de l'article L. 145-2 du Code du travail ; que la cour d'appel, qui a relevé que la retenue effectuée avait absorbé la totalité du salaire de novembre 2003, a pu décider que cette compensation était abusive et que le juge des référés avait le pouvoir d'ordonner le paiement d'une provision à titre de salaire ;
que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS,

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France télévision publicité aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société France télévision publicité à payer à M. X... la somme de 250 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille six.