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Employeurs: comment gérer l'inaptitude d'un salarié ?

L'inaptitude peut se définir comme l'incapacité pour un salarié à exercer tout ou partie de ses fonctions professionnelles. Dès lors qu'elle est constatée par le médecin du travail, l'employeur est alors tenu à une obligation de reclassement envers le salarié. Si ce reclassement s'avère impossible, ou si le salarié le refuse, le licenciement sera alors envisagé sous certaines conditions. Voici les étapes à suivre pour gérer cette situation dans l'entreprise.

Première étape : Le recours au médecin de travail

L'inaptitude peut revêtir différentes formes mentale ou physique, d'origine professionnelle ou non professionnelle,totale ou partielle (elle est totale quand le salarié ne peut plus accomplir aucune tâche correspondant à son poste et partielle quand il peut accomplir une partie de ses tâches seulement, temporaire ou définitive, à l'emploi (le salarié ne peut plus effectuer les tâches propres à son emploi actuel mais peut en faire d'autres) ou à tout emploi (il ne peut plus du tout travailler).

L'employeur devra bien distinguer l'inaptitude des notions voisines d'invalidité (reconnue par la CPAM) et d'handicap (reconnue par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées).

Si la question de l'aptitude ou de l'inaptitude au travail  se pose, seul le médecin du travail peut constater l'inaptitude du salarié (et non un médcin traitant).

Il appartient à l'employeur de solliciter le médecin du travail en vertu de son obligation d'assurer la santé et la sécurité des salariés au travail. En cas d'inertie de sa part, le salarié peut demander la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

L'employeur doit s'assurer que deux visites sont bien planifiées afin d'apprécier l'aptitude au travail du salarié. Le législateur a cependant prévu une exception à ce principe : dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, une seule visite médicale suffit alors. Cette situation est laissée à l'appréciation du médecin du travail qui ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé (C. trav., art. R. 4624-31une étude du poste de travail du salarié et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de 15 jours calendaires : la première visite permet de mettre fin à la suspension du contrat de travail et c'est à l'issue de la seconde que le médecin du travail rend son avis. Entre les deux visites, le salarié n'est pas payé (pendant cette période, le salarié peut poser des congés payés afin d'être rémunéré).

Deuxième étape : Les conclusions du médecin du travail et les obligations de l'employeur

1 - Quand l'aptitude au travail est prononcée:

Le médecin du travail peut rendre deux types d'avis :

  •  un avis d'aptitude au travail. Dans ce cas, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Le salarié ne peut se voir refuser ou subir aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise (C. trav., art. L. 1226-8). En revanche, le refus du salarié de reprendre le travail peut constituer une faute grave ;
  •  un avis d'aptitude avec réserves que l'employeur doit suivre (exemples : une station debout non recommandée, un poids maximum que le salarié peut porter). En cas de doute ou de difficultés de mise en oeuvre de ces réserves médicales, il est conseillé à l'employeur de consulter le médecin du travail.

2 - Quand l'inaptitude est prononcée

L'employeur a un mois pour reclasser le salarié à un autre poste adapté à sa situation médicale ou, si ce reclassement est impossible, pour enclencher une procédure de licenciement. Pendant cette période, le salarié n'est pas non plus rémunéré.

C'est à l'employeur de prendre l'initiative de reclasser le salarié après la déclaration d'inaptitude et en fonction des propositions faites par le médecin du travail. Cette obligation s'impose à lui, même si une inaptitude totale du salarié à son poste de travail est déclarée par le praticien compétent. Le périmètre pour rechercher d'autres postes compatibles avec les recommandations médicales comprend l'entreprise mais aussi le groupe auquel elle appartient le cas échéant.

Deux situations doivent être distinguées selon l'origine de l'inaptitude.

Si l'inaptitude est consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle l'ordre des étapes est le suivant :

  • -  Constatation de l'inaptitude du salarié et début du délai d'un mois pour reclasser ou licencier le salarié ;
  • -  Consultation des délégués du personnel ;
  • -  Décision de reclassement ;
  • -  Proposition sérieuse et précise de reclassement au salarié le cas échéant ;
  • -  Réponse du salarié : soit il accepte et l'employeur devra songer à modifier le contrat de travail du salarié si nécessaire, soit il refuse et l'employeur peut soit faire de nouvelles propositions, soit entamer une procédure de licenciement.

Si l'inaptitude est d'origine non professionnelle la procédure à suivre est identique, sauf que l'employeur n'a pas à consulter les délégués du personnel.

Si le salarié est victime d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail l'employeur dispose donc d'un délai d'un mois pour reclasser ou licencier un salarié déclaré inapte par le médecin du travail suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Pendant ce délai d'attente, le salarié n'est ni rémunéré, ni indemnisé. C'est pourquoi la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a prévu le versement d'une indemnité spécifique temporaire (CSS, art. L. 433-1). Suite à la parution du décret d'application n° 2010-244 du 9 mars 2010 (Journal Officiel 11 Mars 2010), cette indemnisation s'applique aux salariés déclarés inaptes depuis le 1er juillet 2010.

Ce salarié peut désormais bénéficier d'une l'indemnité temporaire d'inaptitude (CSS, art. D. 433-1 et s.). Il s'agit du rétablissement de ses indemnités journalières de Sécurité sociale à condition qu'il n'ait pas perçu de rémunération liée à son activité salariée.

En cas de reclassement accepté ou de licenciement, l'employeur doit envoyer à la CPAM, dans les huit jours suivant la décision, un volet du formulaire comportant la mention de la date de sa décision et confirmant l'exactitude des indications portées par le salarié.

Si passé le délai d'un mois le salarié n'est ni reclassé dans l'entreprise, ni licencié, l'employeur reprend le versement du salaire correspondant à l'emploi occupé avant la suspension du contrat de travail.

troisième étape : organiser le licenciement

L'employeur doit suivre la procédure de droit commun :

  • -  Convocation dans les formes prescrites par la loi ;
  • -  Entretien préalable dans les 5 jours ouvrables au minimum ;
  • -  Notification du licenciement dans un délai minimum de 2 jours ouvrables après la date de l'entretien.

La rupture conventionnelle est interdite et un licenciement pour maladie serait discriminatoire et aurait pour effet d'entacher le licenciement de nullité. Il est donc conseillé de mentionner l'inaptitude constatée par le médecin du travail et l'impossibilité de reclasser le salarié dans un poste compatible avec le certificat médical rédigé par le médecin du travail.

La nature des indemnités de rupture à verser va dépendre de l'origine de l'inaptitude du salarié :

  • Si elle est d'origine non professionnelle, l'employeur ne verse pas d'indemnité compensatrice de préavis, sauf disposition conventionnelle contraire ou si un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement est avéré. Le salarié perçoit l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, si elle est plus favorable.
  • Si elle est d'origine professionnelle, l'employeur doit verser une indemnité égale à l'indemnité légale compensatrice de préavis, ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement qui est égale au double de l'indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle selon ce qui est le plus favorable au salarié).