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Le secret des correspondances électroniques du salarié en entreprise

La violation du secret de la correspondance est réprimée par les articles 226-15 et 432-9 du Code pénal et par l'article L. 33-1 du Code des postes et des communications électroniques.

Le salarié bénéficie-t-il de ce droit au secret des correspondances sur son lieu de travail ?

La Cour de cassation, par un arrêt de principe en date du 2 octobre 2001, s'était montrée très protectrice de la vie privée du salarié sur son lieu de travail en se fondant sur les article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil et l'article L. 1121-1 du Code du travail (Cass. soc., 2 oct. 2001, no 99-42.942, dit « Nikon »): « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ». 

La Cour de cassation vient de rendre trois décisions en date du 2 février 2011 quant à la nature des courriels émis par les salariés sur leurs temps et lieux de travail en rapport avec leur activité professionnelle (Cass. soc., 2 févr. 2011, no 09-72.449, no 09-72.450 et no 09-72.313 F-D). 

La Cour de cassation  juge dans les deux premières que «  le courriel litigieux était en rapport avec l'activité professionnelle du salarié, ce dont il ressortait qu'il ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d'une procédure disciplinaire ».

Dans une troisième affaire, un salarié avait adressé à sa compagne, et malencontreusement à d'autres salariés de l'entreprise, un courriel dans lequel il indiquait « pour l'acompte ils m'ont dit qu'ils ne donnent pas aux CDD, quel connard ! je vais prendre l'après-midi ».

L'un des autres salariés avait immédiatement informé l'employeur, qui avait engagé une procédure de licenciement pour faute grave à l'encontre du salarié injurieux.  La Cour de cassation sanctionne le salarié : « Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a relevé que le courriel litigieux avait été malencontreusement transmis par le salarié en copie à une salariée de l'entreprise, a constaté que l'employeur en avait eu connaissance par le fait même de l'intéressé ; Attendu, ensuite, que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d'une procédure disciplinaire à son encontre ».

Ces trois décisions posent un principe clair : le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé, mais bien un caractère professionnel

Il apparaît certain que, lorsqu'il s'agit de mails ou fichiers professionnels, l'employeur a le droit de prendre connaissance de ceux-ci à tout moment et ce, même en dehors de la présence du salarié et d'utiliser son pouvoir disciplinaire pour sanctionner le salarié. Il a même été jugé par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, par deux décisions du 19 novembre 2010 que l'employeur avait le droit d'utiliser les informations échangées sur Facebook pour fonder le licenciement de salariés ayant dénigré la société et leur supérieur hiérarchique, en rendant quasi publics leurs états d'âme, abusant ainsi de leur liberté d'expression.

Il est de jurisprudence constante que, même si le salarié a reçu ou envoyé des fichiers informatiques de son poste professionnel contenant des informations personnelles, lesdits fichiers sont présumés avoir un caractère professionnel (voir, notamment, Cass. soc., 18 oct. 2006, no 04-48.025) et ce, même s'ils sont sans rapport avec son activité professionnelle. Il s'agit d'une présomption simple puisque dès lors que le salarié identifie ses fichiers ou mails comme personnels, il confère à ceux-ci un caractère non professionnel.

La Cour de cassation fait, cependant, une interprétation stricte du caractère personnel du mail. Par exemple, elle a jugé que 
le fait de créer un répertoire avec ses propres initiales ou son nom ne suffit pas à qualifier le fichier de personnel (Cass. soc., 21 oct. 2009, no 07-43.877, JSL no 266-6 et Cass. soc., 8 déc. 2009, no 08-44.840) ;

Pour avoir le caractère personnel, les mails sans rapport avec l'activité professionnelle devront être « rangés » dans un répertoire intitulé « Personnel » ou avoir la mention au titre d'objet : Personnel et Confidentiel. Lorsque les fichiers ou les mails sont identifiés comme personnels, l'employeur ne peut les ouvrir que si au moins l'une des deux conditions suivantes est remplie :

  • la présence du salarié et l'accord de celui-ci ;
  • une décision judiciaire ordonnant la désignation d'un huissier pour accéder aux fichiers. Pour ce faire, il devra justifier d'un risque ou d'un événement particulier pour l'entreprise (Cass. soc., 17 mai 2005, no 03-40.017).