• 33 (0)4 94 18 98 98

Les pièges du pouvoir disciplinaire de l'employeur

Si, en cas de faute grave, l’employeur doit mettre en œuvre la rupture du contrat de travail dans un délai restreint, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 23 octobre 2013 (Cass n°11-13.721), qu’aucun texte ne l’obligeait cependant à prendre une mesure de mise à pied conservatoire avant d’engager une procédure de licenciement pour faute grave.

Mais, lorsque l’employeur décide d’une telle mise à pied conservatoire, il doit alors être extrêmement vigilant.

En effet, la mise à pied prononcée à titre conservatoire doit être immédiatement suivie de la mise en œuvre de la procédure disciplinaire au risque, sinon, d’être requalifiée en une mise à pied disciplinaire.

Si tel est le cas, le licenciement ainsi prononcé est jugé sans cause réelle et sérieuse pour violation de la règle «  non bis in idem » qui interdit à l’employeur de sanctionner deux fois les mêmes faits.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 octobre 2013 ( Cass n°12-22.962), dans une affaire où l’employeur n’avait engagé la procédure de licenciement, en convoquant le salarié à un entretien préalable, que 6 jours après le prononcé de la mise à pied conservatoire.

Or, à défaut pour l’employeur de justifier l’écoulement d’un tel délai, la mise à pied présente, selon la Cour de cassation, un caractère disciplinaire, et peu importe qu’elle ait été qualifiée de provisoire par l’employeur lors de sa notification.

Par ailleurs, l’employeur ne peut, dès lors qu’il a connaissance de plusieurs faits fautifs, prononcé une sanction pour certains d’entre eux et notifier, ultérieurement, en respectant le délai de prescription de deux mois prévu par l’article L 1332-4 du Code du travail, un licenciement pour les autres faits.

En effet, la Cour de cassation juge qu’à partir du moment où l’employeur, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à la salariée avait choisi de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, il avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à cette date ( Cass 16 mars 2010).

 

Enfin, et s’agissant de l’avertissement, si cette sanction ne doit pas être précédée, conformément aux dispositions de l’article L 1332-2 du Code du travail, d’un entretien préalable avec le salarié, une telle formalité peut être imposée, soit par le règlement intérieur, soit par la Convention collective applicable et ce, de manière directe ou indirecte.

Dans un arrêt du 3 mai 2011, la Cour de cassation a jugé qu’il en est ainsi lorsque l’avertissement peut avoir une influence sur le maintien du salarié dans l’entreprise.

Tel est le cas quand un règlement intérieur subordonne le licenciement d’un salarié à l’existence de deux sanctions antérieures pouvant être constituées, notamment, par un avertissement.

Dès lors que l’avertissement est un préalable nécessaire à la notification d’un licenciement, il doit être considéré comme une sanction ayant une incidence, immédiate ou non, sur la présence du salarié dans l’entreprise au sens de l’article L 1332-2 du Code du travail.

Dans ce cas, le salarié aurait donc dû être convoqué.

A défaut, l’avertissement doit être annulé et, par voie de conséquence, le licenciement aurait dû, comme le juge la Cour de cassation, être déclaré sans cause réelle et sérieuse puisqu’il ne respectait plus les garanties de fond prévues par le règlement intérieur, à savoir l’existence de deux sanctions antérieures.